Mathieu Merlet Briand

Conversation avec Martin Guinard Terrin
Visite de l'exposition :
‘L’atelier de Mathieu Merlet Briand chez Vitra’



Conversation entre Mathieu Merlet Briand
& Martin Guinard Terrin

Martin Guinard Terrin (1989) est un commissaire d’exposition et un historien de l’art indépendant basé à Paris. En collaboration avec le philosophe Bruno Latour, il assure notamment le commissariat de la prochaine Biennale de Taipei (2020) et il est commissaire invité au ZKM.

Conversation public accompagnée par Manon Sailly, Directrice de la Galerie HORS-CADRE.




Mathieu Merlet Briand : 
Suite à l’invitation et aux discussions avec l’équipe de Vitra, dans le contexte de cet espace : un appartement de 350m2 dans un immeuble Haussmannien : l’idée de créer l’esprit d’un atelier dans cet appartement m’est venue assez naturellement. J’ai ainsi regroupé une cinquantaine d’œuvres et réaménagé les espaces en jouant sur le mobilier, créant des situations et des jeux de composition.

Martin Guinard Terrin :
Qu’en est-il de ces jeux de juxtaposition d’œuvres ?

Mathieu Merlet Briand :
Dans l’esprit d’un atelier, il n’y a pas d’organisation temporelle ni chronologique entre les œuvres, le motif de la juxtaposition des tableaux joue avec cette idée. Les œuvres sont posées temporairement les unes avec les autres dans un jeu d’assemblage articulé autour des formats et des associations de couleurs. Pour moi, j’y voyais aussi une référence à l’écran et au principe d’une capture d’écran, comme une juxtaposition de fenêtres ouvertes qui se superposent.



Martin Guinard Terrin :
Ton travail est présenté ici dans un espace, est-ce qu’il peut-être dans un réseau, qu’est-ce que c’est pour toi que de montrer ton travail dans un réseau ? Comment est-ce que tu gères cette dynamique là ?

Mathieu Merlet Briand :
Ce que je trouve assez intéressant, peu importe le cadre de l’exposition : C’est toujours un instant T, assez court. Puis sa documentation, sa vie online, a en quelque sorte peut-être plus de portée, de visibilité, de durabilité, que l’exposition réelle.

Martin Guinard Terrin :
En terme de portée c’est sûr, oui, mais d’un point vue ontologique, à quel point pour toi, cette incarnation physique, comme cette sculpture Google Basalt, est quelque chose d’important pour toi ? Car tu t’intéresse aussi à l’écran, avec ta video #NATURE, à quel moment décides-tu d’aller incarner ta pratique à la sculpture, ici sur du métal, ou à la vidéo ?


Mathieu Merlet Briand :
Tout d’abord, c’est très rare que je fasse une œuvre qui soit purement “digitale”, à part les vidéos effectivement. Mais elles sont plus pour moi plus comme des tableaux vivants que des films véritablement. J’aime cette incarnation physique, cette confrontation avec le réel.
Par exemple, mes sculptures Google Basalt & Google Porphyry, sont comme des blocs de matières. Il y a une sorte de clash entre la sculpture en elle même qui est très “digital”, dans sa construction et son appréciation esthétique, mais en aucun cas je vais faire œuvre avec les supports “digitaux”, la 3D ou mes fichiers. J’aime cette sorte de magie liée à cette forte technicité digitale à l’origine de mes œuvres physiques.

Martin Guinard Terrin :
Bien sûr oui, et c’est quelque chose d’important; de ce que je comprends de ton travail, finalement, ce n’est pas une œuvre tant qu’elle n’est pas matérialisée et mise dans l’espace.

Mathieu Merlet Briand :
Oui, j’utilise principalement des outils informatiques pour créer mes œuvres, mais je ne fais pas “d’art digital” ou de “net.art” à proprement parler. Ce qui m’intéresse c’est de m’inscrire dans une expérience physique. Je suis peut-être en soit plus proche conceptuellement des artistes du land art, mais seulement la matière de mes œuvres provient d’internet.




Martin Guinard Terrin :
Je trouve toujours que la distinction entre ”réel” et “digital” n’est pas productive. Le digital est inscrit dans le réel. Il nous impacte de toutes sortes de manières. Sans compter qu’il a une matérialité, c’est une certaine banalité de le rappeler mais les réseaux sociaux ont besoin d’un ensemble de réseaux techniques pour fonctionner, du hardware, au software, du data center, au etc…

Mathieu Merlet Briand :
Bien entendu, oui, il n’y a pas de distinction à faire entre expérience réel et digital ou online, tout cela se passe bien dans le réel. Seulement je veux bien distinguer ici l’expérience écran, regarder une œuvre au travers d’un écran - et une expérience physique avec une œuvre. Ce qui m’intéresse c’est bien l’expérience physique et sensible. Pour nous sortir justement de cette seule expérience écran.

Martin Guinard Terrin :
C’est très intéressant cette volonté de sortir de l’expérience écran alors que tu es sur quelque chose qui y renvoie de manière constante, on voit bien dans ton travail que c’est quelque chose qui t’obsède complètement …


Mathieu Merlet Briand :
Oui, en quelque sorte, je traduis, via une expérience physique, des phénomènes, des sensations que nous pouvons retrouver à travers le filtre de l’écran : cette expérience d’une navigation sur internet, par exemple, des sensations que je cherche à transférer finalement dans mes œuvres.
Pour moi c’est une vision presque romantique, dans le sens où on se balade sur internet, on navigue sur internet, on est face à une masse d’information qui nous submerge. On se balade de façon naturelle et organique dans cet espace là, qui n’est pas détaché du réel, mais qui est conditionné par cette expérience écran.

Martin Guinard Terrin :
C’est intéressant en effet, c’est ce régime de ce qui “conditionne” une expérience que je trouve intéressant dans ton travail. Moins qu’avec la vidéo forcément, c’est sur, mais en même temps c’est logique que tu fasse cela, mais pour moi c’est plus intéressant ces sortes de fragments qui sont comme une sorte de dépôt d’un écran, ce ne sont pas des ruines, mais comme tu le disais ce sont des espèce de blocs de matières qui viennent se déposer ici et là …

Mathieu Merlet Briand : 
et cela interfère avec la réalité, cela crée une forme de rupture, enfin c’est cela qui m’intéresse en soit, c’est de créer ces formes de ruptures de décalage …

Martin Guinard Terrin : 
Tu vois cela comme une forme de glitch, de bug …

Mathieu Merlet Briand : 
Non …

Martin Guinard Terrin : 
Non, mais si c’est très intéressant, c’est comme si tu considérais la réalité comme un écran où tes sculptures viennent finalement interrompre cette expérience et créer une forme d’erreur informatique dans le réel.




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à propos de #NATURE, captures, 2019

Martin Guinard Terrin :
Qu’est-ce que c’est?

Mathieu Merlet Briand :
Ce sont des captures d’écrans de la vidéo #NATURE, des arrêts sur image sur cette construction vidéo qui est très complexe, l’idée est de montrer la richesse et la complexité de cette vidéo au travers de cette série de tirages.

Martin Guinard Terrin :
Et comment as-tu fais ton editing dans ce cas là ? Est-ce que c’est linéaire, formel ?

Mathieu Merlet Briand :
Ici c’était purement mathématique et arbitraire en fait. La vidéo dure 20 min, j’ai décidé de faire 150 frames, donc c’est un espacement exact de temps entre chaque capture.


Martin Guinard Terrin :
D’accord, là encore il y a la question de quelque chose de très paramétré en fait.


Mathieu Merlet Briand :
Oui bien sûr. J’ai trouvé logique de procéder comme cela. J’ai beaucoup travaillé sur cette vidéo, pour avoir de nombreuses variétés d’expériences visuelle, dans le sens où on est dans quelque chose de très abstrait puis très figuratif, puis de nouveau très abstrait. La vidéo en elle même fonctionne très bien et je trouvais que c’était un bon moyen de rendre visible sa complexité.

Martin Guinard Terrin :
C’est très intéressant que ce soit paramétré, car c’est une décision, et, c’est aussi loin que possible par exemple de la photo documentaire qui essayerait de capter “l’instant décisif”, aussi loin de la question de la photo qui serait faite dans un atelier, avec une mise en scène particulière, et en même temps c’est à peu près automatique. Sans être dans de l’écriture automatique qui se laisse aller, qui serait incontrôlé.

Mathieu Merlet Briand :
La vidéo est super contrôlée dans son écriture. Procéder comme cela pour les captures, après plusieurs tests, je savais que cela allait bien fonctionner. Certes, c’est très contrôlé mais il y a aussi ce côté radical dans ce choix que j’aime particulièrement.


Martin Guinard Terrin :
Tu parles beaucoup du contrôle de la vidéo, qu’est ce que tu veux dire par là ?


Mathieu Merlet Briand :
Pour créer cette vidéo, j’ai récupéré plusieurs vidéos sur youtube à partir d’un mot clé, ici à partir de la recherche NATURE : donc des vidéos de relaxation dans la nature, avec de nombreux plans de nature etc. Tu as des plans dans différentes forêts, des forêts exotiques, des fleurs, il y a aussi des plans sous l’eau, …


Martin Guinard Terrin :
C’est amusant de voir que c’est la recherche la plus banale qui soit et que tu en fais quelque chose d’assez singulier …


Mathieu Merlet Briand :
En fait, j’aime bien ce côté banal, l’expérience d’une recherche sur un moteur de recherche  …


Martin Guinard Terrin :
Mais comment passes-tu de cette recherche à ce résultat ?


Mathieu Merlet Briand :
J’ai donc récupéré une vingtaine de vidéos de nature, et après je fais un tissage de ces vidéos. C’est une forme de mixage vidéo, image par image, où j’articule les flux vidéos les uns vis-à-vis des autres. La difficulté technique pour moi c’est que je veux créer un seul plan vidéo, un flux vidéo constant, pour se rapprocher d’un flux continue comme de l’eau. 


Martin Guinard Terrin :
Mais tu fais cela comment ?


Mathieu Merlet Briand :
Pour faire ce projet vidéo, j’ai développé en collaboration avec un ingénieur un outil informatique de traitement vidéo pour créer justement ce tissage vidéo spécifique.




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à propos du triptyque Google Red, Google Yellow, Google Blue, Hommage to Alexandre Rodchenko, 2015

Martin Guinard Terrin :
Pour la petite histoire, cette œuvre nous l’avons montré en Suisse à Art Genève, puis aussi et surtout, on l’a présenté ensemble à Yuko Hasegawa, ce qui t’as permis ensuite d’exposer à la Biennale de Moscou, ce qui était super ! Elle cherchait des artistes français vis à vis de son concept d’exposition Cloud <> Forest. Je savais que tu avais cette œuvre basée sur une réflexion autour de Rodchenko sur le monochrome, sur une recherche sur l’absolutisme où toi tu tires un fil complément différent, et où tu ré-évalue finalement une tradition de l’histoire de l’art.


Mathieu Merlet Briand :
Oui, Rodchenko, à réaliser ce triptyque « Pure Red, Pure Yellow, Pure Blue » en 1921, où il dit “voilà : c’est la fin de la peinture, avec ces trois couleurs primaires, je peux faire toutes les peintures du monde”. Mais quand tu vois le triptyque il a une certaine subjectivité dans le sens où c’est une teinte particulière de rouge, de jaune et de bleu, et en fonction de cette recherche de pureté pour aller à l’essentiel dans la peinture, il se pose la question du choix de cette teinte. J’ai récupéré ainsi des milliers d’images de rouge, de bleu et de jaune sur google images, postés par ces millions d’internautes. Ainsi dans cette quête de pureté, de transcription de ce qui serait ce jaune pure, ce rouge pure, ce bleu pure, par rapport à toute cette communauté d’internaute, cette question prend donc pour moi une autre dimension.

Aussi, pour l’anecdote, dans le contexte de cette biennale, ce qui fut assez dingue, c’est que ce triptyque d’Alexandre Rodchenko était justement exposé au sein même de la New Tretyakov Gallery où a pris place la Biennale. J’étais particulièrement honoré car Yuko a choisi de sélectionner mon triptyque comme l’œuvre phare pour représenter la biennale. C’était assez incroyable pour moi au vu des nombreux artistes présents dans cette biennale et que j’admire particulièrement, dont notamment Pierre Huyghe et Olafur Eliasson pour ne citer qu’eux.



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Martin Guinard Terrin :
Dans ton travail, il y a un lien direct au tissage


Mathieu Merlet Briand :
Oui, en fait, je récupère toutes ces images et j’en fais comme une sorte de gros tissage, c’est comme du croisement de fils dans le sens ou je vais révéler certaines images, par rapport à un motif que je construis. Ce motif est construit par rapport à la donnée d’entrée qui est la courbe d’intérêt du mot que j’ai recherché sur internet. Le dessin, la courbe que l’on voit dans mes œuvres correspondent toujours à l’intérêt du mot clé tapé sur internet.


Martin Guinard Terrin :
Et comme tu le sais bien, il y a un lien entre ces machines à tisser et le développement des technologies digitales … 


Mathieu Merlet Briand :
Tu veux parler du jacquard …


Martin Guinard Terrin :
Effectivement, c’est un point qui doit revenir assez souvent ?


Mathieu Merlet Briand :
D’ailleurs cette pièce là, #ICEBERG, à été exposé au Musée des Arts & Métiers à Paris à côté de l’un des premiers métiers à tisser jacquard. Charles Babbage, qui a inventé le premier ordinateur, s'est inspiré du système de fonctionnement du métier à tisser jacquard pour faire la première machine à calculer pouvant être considérée comme le premier ordinateur. Du coup il y a une relation directe dans mes recherches au tissage à la construction de motif pour aller vers une sorte d’analogie, pour formaliser cette recherche d’une matière issue du réseau.


Martin Guinard Terrin :
Pour reprendre ce qu’on disait plus tôt. Nous avons abordé la transposition de cette expérience écran à cette expérience “Offline”. Je t’avais posé la question du Jacquard sans savoir si elle était consciente ou non mais maintenant je vois bien que oui, et surtout je savais que tu avais enseigné en design textile aux Arts Déco, après avoir fait tes recherches à EnsadLab. Maintenant tu proposes un statement à propos de la peinture. Est-ce qu’il serait intéressant pour toi de revenir à la peinture ?


Mathieu Merlet Briand :
Je me pose toujours la question … à un moment donné j’avais l’idée de demander à des peintres, de peindre mes peintures digitales pour voir le résultat, je trouvais cela marrant de le faire faire. Il y a d’ailleurs évidemment de nombreux peintres qui font faire leurs peintures et il existe de nombreux services de peinture d’après photo, … je ne sais pas je me demandais si j’allais testé de faire cela …


Martin Guinard Terrin :
Tu as besoin de le faire faire par quelqu’un d’autre ?


Mathieu Merlet Briand :
Non. Mais mon parti pris de départ initial c’était de dire “Aujourd’hui, on a plein de technologies qui existent, pourquoi ne pas les utiliser ?” Une peinture c’est une œuvre unique, son unicité, c’est le fait qu’elle soit faite main, etc, moi je fais que des tirages uniques, en soit c’est du dépôt de matière sur un support. Quand l’objectif est de produire une image entre une peinture et un tirage photo on peut se demander ce qui diffère, si dans la peinture ce que l’on recherche c’est justement la précision d’exécution … on peut se demander à quoi bon apprécier une œuvre pour sa seule difficulté technique ? Il y a toujours ce côté labeur, sous-jacent dans la peinture et à la fois je me dis tiens je pourrais m’y essayer, je ne sais pas, je ne suis pas encore totalement fermé sur la peinture. Pour moi ça me rappelle toujours les débuts de ma formation artistique ou j’ai appris à peindre justement …


Martin Guinard Terrin :
C’est intéressant car je t’ai déjà posé la question il y a 4 ans …


Mathieu Merlet Briand :
Oui, tu me poses souvent cette question du geste, la présence de la main, est-ce quelque chose d’important pour toi ?


Martin Guinard Terrin :
Pas personnellement, c’est surtout dans ton travail que je trouve cela intéressant. Notamment la question de la matérialité du digital. Derrière l’écran il y a tout un réseau d’infrastructures, de câblages, de data center, qui font que ton image digitale est possible. Le software n’est pas immatériel, il est dépendant de toute cette infrastructure etc. Donc je pense que dans ce contexte là il est important de se reposer ces questions …


Manon Sailly, Hors Cadre :
Mais est-ce que la question du geste en fait n’est pas ici délocalisée, c'est-à-dire qu'elle intervient en amont, par la sélection, le choix de Mathieu de sélectionner et d’agencer ces images comme tel. On a un déplacement du geste : qui par exemple pour un peintre va se concrétiser par le faite de peindre tout simplement, et est-ce que là, vu qu’il y a un rapport qui est différent avec le support en tout cas en amont, le geste n’intervient-il pas plutôt dans la sélection faite, l’image et sa matérialisation choisie.


Martin Guinard Terrin :
Oui, effectivement, il y a cette question du paramétrage, ce que l’on a pu voir tout à l’heure et qui est très cohérent du coup. Tu gagnes en cohérence conceptuelle, oui, mais tu t’effaces finalement, dans le sens où ton ‘geste’ est moins visible. Dans ton travail, tu adoptes finalement une position plus en amont …


Mathieu Merlet Briand :
J’aime bien exploiter en quelque sorte l’intelligence du réseau, je ne sais pas comment dire cela, mais finalement, je joue avec les caractéristiques d’internet. Toute cette communauté d’internautes qui publie des photos, je travaille “avec” cette masse de personnes qui utilise internet, j’essaie de mettre en image cette communauté finalement. Pour créer chacune de mes pièces, chaque œuvre est liée à des milliers de personnes qui ont un jour posté une photo.


Manon Sailly, Hors Cadre :
et tu te nourris de cette matière …


Mathieu Merlet Briand :
Oui je me nourris d’un flot de matière et c’est une réflexion sur ces masses de données dans le sens ou c’est une matière qui est là, disponible, qui traine sur ces serveurs et que j’exploite comme une matière brut …


Manon Sailly, Hors Cadre :
Qui pourrait être la peinture pour un peintre, internet oui c’est ton matériau.


Mathieu Merlet Briand :
D’ailleurs à la base ce triptyque, c’était un peu pour moi revoir la figure du peintre comme si j’allais chercher ma peinture rouge, jaune et bleu sur internet. Idem pour mes sculptures avec la figure du sculpteur allant chercher ses matériaux …


Question du public :
Tu es dans le contrôle et à la fois la data est infinie du coup il y a beaucoup de hasard aussi, donc comment tu définis ta limite entre le contrôle de l'œuvre et le hasard ?


Mathieu Merlet Briand :
Pour moi, j’aime bien la figure de l’orchestre, tu as plein d’éléments qui sont présents, je construis en soit des partitions, et j’ajuste mes partitions soit en fonction de tous les éléments qui prennent part à l’orchestre total. Du coup, il y a des endroits ou je vais ré-ajuster, sélectionner, partitionner. C’est une certaine gymnastique en soi.
Une autre figure que je trouve très intéressante : quand tu regardes un match de foot, on est fasciné par de belles actions, mais en fait toutes ces belles actions existent par des règles du jeu. C’est une belle action parce qu’elle correspond à pleins de contraintes qui font que cette action là devient quelque chose d’exemplaire.


Martin Guinard Terrin :
Donc à ce moment-là pour toi c’est la définition de ces règles qui t’intéresse ?


Mathieu Merlet Briand :
Oui, je définis mes process et procédés, et puis je fais beaucoup d’expérimentation et en fonction voila, c’est au final un travail de composition, ou je m’arrête quand il y a un résultat qui correspond à ce que je recherche. C’est plus l’intelligence du jeu qui m’intéresse.


Martin Guinard Terrin :
Mais au foot les paramètres, les règles initiales sont visibles et connus de tous, toi tu les caches, enfin tu explique bien comment tu procède oui …


Mathieu Merlet Briand :
Oui, enfin je détaille comment je travaille, comment je procède, je fais des tissages, des fragmentations d’images etc, en soit moi je mets au point mes propres outils, c’est comme si j'avais conçu mon propre pinceau. Mais en soit, oui, ce sont vraiment des outils. Ce que je dis souvent c’est que ce n’est pas parce que tu as photoshop, que tu fais de belles images.


Question du public :
Combien de temps ça te prend du coup pour produire une œuvre ? A quel moment tu t’arrête ?


Mathieu Merlet Briand :
En fait, déjà j’ai plusieurs outils différents, c’est un peu ma cuisine. En gros, je récupère les images, je les traite, je les tisse, je les fragmente, je fais plein d’expérimentations et après j’en crée des synthèses, puis c’est vraiment un travail de composition au final, pour essayer de traduire ce que je recherche. Ce n’est pas: j’appuie sur un bouton et je vois ce qui sort, non …


Martin Guinard Terrin :
Oui, c’est un ensemble de décisions, mais c’est marrant, la question : quand est-ce que tu décides que ça “fait image” ?


Mathieu Merlet Briand :
Après, ce sont des sensations que j’essaye de retranscrire. Par exemple, quand tu regardes un arbre, il y a une sensation de quelque chose qui n’est jamais fini, ou en constante mutation. À la fois il y a une sorte de simplicité visuelle, quelque chose de pur, de simple et à la fois c’est ultra complexe. Toutes ces milliers de feuilles suivant leurs inclinaison et suivant la lumières et le vent vont créer une imagerie ultra complexe qui pour moi prend échos dans l’expérience d’internet. Toutes ces images, toute cette masse d’informations, c’est un scintillement visuel comparable. Voila pour moi, ce sont des tentatives de traduire cette relation organique avec internet.


Martin Guinard Terrin :
Qu’est-ce que tu veux dire par une relation organique à internet ?


Mathieu Merlet Briand :
Dans le sens ou, pour moi; et là c’est vraiment ma démarche conceptuelle dans tous mes projets; pour moi internet est un nouvel élément naturel, bien qu’artificiel, maintenant on se déplace avec internet on vit avec internet on pense et communique avec internet. Tous les nouveaux-nés d’aujourd’hui, pour eux ce sera complètement intégré dans leur rapport au monde. Comme un organe, Internet, on ne sait pas comment ça fonctionne mais on s’en sert simplement. C’est pour cela que je parlais de Romantisme, tout à l’heure, dans le sens ou pour les Romantiques, c’est l’expression de la fragilité de l’homme face à la toute puissance de la nature, c’est une vision contemplative de la toute puissance de la nature. Ici nous sommes face à notre incompréhension face à cette nouvelle entité ‘internet’ qui nous dépasse.

Martin Guinard Terrin :
C’est donc finalement la recherche du ‘sublime’, et il y a finalement l’expression de ce sublime digital avec cette masse de donnée que l’esprit humain n’est pas capable de gérer, ni de se représenter.
















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