2018
Lenticular painting, aluminium frame
Each : 110 x 180 x 3,5 cm, uniques.
In a private collection.
En 1435, l’architecte, humaniste et théoricien de l’art Leon Battista Alberti définissait la peinture comme une fenêtre ouverte sur le monde. Un monde mathématisé et géométrisé, mis en perspective selon une conception euclidienne de l’espace dont l’Homme serait le centre sur fond d’infinité divine. Aujourd’hui, les fenêtres à travers lesquelles nous observons le monde sont moins des tableaux que nos écrans d’ordinateurs, de téléphones portables et autres objets connectés. Quant au monde sur lequel elles ouvrent, celui-ci est encodé par des milliers de data en perpétuelle augmentation et reconfiguration. Au même titre que les éléments naturels, loin d’être de simples outils à notre disposition, ces données informatiques constituent désormais notre milieu, faisant ainsi le lien entre la technologie et le vivant. Un lien que l’on sait aujourd’hui beaucoup plus étroit qu’il n’y paraît, la nature ayant toujours déjà été informée par la culture et l’organique artificialisé. Plus encore, à l’aune des découvertes de la génétique et des avancées des techno-sciences, c’est la matière même de la vie qui peut maintenant être comprise de manière cybernétique, comme un ensemble de systèmes codés qui s’auto-génèrent et s’auto-organisent.
C’est précisément cette nature informatique du monde qu’explore Mathieu Merlet Briand avec #data gate, over the cloud, une œuvre interactive et cinétique conçue en dialogue avec l’architecte Orash Montazami. Évoquant un tableau dont les pigments auraient été remplacés par les pixels d’un écran numérique, cette pièce est composée d’images trouvées sur Internet à partir du mot-clé « data », superposées sur une plaque d’aluminium recouverte d’un film lenticulaire. Au gré de nos déplacements et des points de vue adoptés, sa surface ne cesse de se reconfigurer, balayée par une traînée blanche qui parfois la submerge intégralement. Autant d’ondulations et de vibrations optiques restituant les flux d’informations dans lesquels nous sommes immergés, traversant le Cloud aussi bien que l’ensemble du vivant, lui-même traductible en algorithmes. Ainsi, bien qu’abstraite, #data gate, over the cloudn’en est pas moins ancrée dans la réalité de notre environnement. En effet, par un étrange renversement, alors que les pionniers de l’abstraction faisaient de l’art un moyen en vue d’une fin à travers sa dissolution dans le réel, il semble que ce dernier soit devenu quelque chose d’abstrait. Et pour cause, l’espace a changé de nature : c'est un monde physique, mais également numérique, parcouru de lignes de communication aériennes et souterraines, à la fois visibles et invisibles, matérielles et immatérielles. C’est ce nouvel ADN dont #data gate, over the cloudsemble être la porte d’entrée, tel un lieu de transition entre espace concret et virtuel, un seuil ouvrant sur l’infinité des données qui trame notre monde.
Texte de Sarah Ihler Meyer
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